Les différents types d’édition de gènes maîtrisés / étudiés dans l’équipe ResPom

Les différents types d’édition de gènes maîtrisés / étudiés dans l’équipe ResPom

L’édition de gènes s’est récemment développée comme une alternative aux méthodes de transgénèses classiques, pour réaliser l’étude fonctionnelle des gènes comme pour potentiellement permettre d’améliorer les plantes cultivées. Parmi d’autres méthodes (nucléases « zinc finger » ou « TAL effector »), les méthodes CRISPR-Cas se sont avérées les plus efficaces, les plus pratiques et les moins coûteuses. De manière à accroitre sa capacité d’étude de la fonction des gènes, mais aussi pour pouvoir apporter son expertise sur les nouvelles variétés créées à l'aide de ces outils, l'équipe ResPom a décidé il y a quelques années de développer ces méthodes chez le pommier et le poirier (figure présentation edition).

Dans une première étude, nous avons réussi à faire de la mutagenèse dirigée par CRISPR-Cas9 (Charrier et al, 2019). Nous avons optimisé les conditions d'application de ce système chez le pommier et exploré sa faisabilité chez le poirier. Comme preuve de concept, nous avons choisi de neutraliser les gènes Phytoene Desaturase (PDS, sa mutation provoque un phénotype albinos) et Terminal Flower 1 (TFL1, sa mutation provoque une floraison précoce). Pour améliorer l'efficacité de l'édition, deux ARN guides différents (ARNg) ont été associés à la nucléase Cas9 pour chaque gène cible. Ces ARNg ont été placés sous le contrôle des promoteurs de pommier MdU3 et MdU6. Un phénotype albinos caractéristique a été obtenu pour 85% des lignées transgéniques de pommier ciblées dans le gène MdPDS. Une floraison précoce a également été observée dans 93% des lignées transgéniques de pommier ciblées dans le gène MdTFL1.1, et dans 9% des lignées transgéniques de poirier ciblées dans le gène PcTFL1.1. Le séquençage des zones cibles dans les lignées transgéniques CRISPR-PDS et CRISPR-TFL1.1 de pommier et de poirier a montré que les deux ARNg induisaient des mutations mais à des fréquences variables. Dans la plupart des cas, la nucléase Cas9 a coupé l'ADN au niveau des vingt paires de bases ciblées, près du PAM (protospacer adjacent motif = motif adjacent d’espacement) et des mutations de type insertions ont été observées plus fréquemment que des délétions ou des substitutions. Le profil d'édition le plus fréquent des gènes PDS et TFL1.1 était un profil biallélique chimérique. De plus, la transformation transitoire avec la construction CRISPR-PDS a produit deux lignées de pommier éditées sans insertion de l’ADN-T. Nos résultats globaux indiquent que, malgré de nombreuses chimères, le système CRISPR-Cas 9 est une méthode efficace pour induire une mutagenèse ciblée chez le pommier et le poirier.

Dans une deuxième étude, nous avons réussi à développer une conversion de base par la méthode du « base editing » (Malabarba et al, 2020) à l'aide de deux gènes au phénotype facilement repérable : l’un code pour une acétolactate synthase (ALS) dont la conversion de base confère une résistance au chlorsulfuron, et l'autre est le gène PDS dont la mutation provoque un phénotype albinos. Les deux ARN guides ciblant chacun l’un de ces deux gènes, ont été couplés dans un vecteur contenant une cytidine désaminase fusionnée à une Cas9 nickase dont le site catalytique est altéré pour ne couper qu’un seul des deux brins d’ADN. En utilisant ce vecteur, nous avons induit des substitutions de base C en base T dans les gènes cibles conduisant à une variation discrète de la séquence d'acides aminés et générant ainsi de nouveaux allèles. Chez le poirier, en co-éditant les gènes ALS et PDS, nous avons montré qu’il était possible d’obtenir des lignées à la fois résistantes au chlorsulfuron et albinos (figure d'accroche vulgarisation). Nos travaux indiquent que le « base editing » peut être appliqué chez des plantes pérennes telles que le pommier et le poirier pour créer des modifications précises du génome et ainsi mieux comprendre le fonctionnement des gènes cibles.

Au cours des deux prochaines années, l'équipe souhaite développer le dernier outil à ce jour dérivé de la technologie CRISPR : le « prime editing », qui permet de remplacer non plus une base unique de la séquence d'ADN mais une séquence de 7 à 21 bases. Cette méthode permet de rajouter le nouveau morceau de séquence souhaité au site ciblé à l'aide d'une protéine fusionnée comprenant une Cas9 nickase et une transcriptase inverse modifiée. Cette enzyme-fusion est conduite par un ARN guide particulier (prime editing guide RNA) qui à la fois spécifie le site cible et contient la séquence de 7 à 21 bases à inclure. Aucun travail de ce type n'a encore été publié à ce jour chez les plantes pérennes.

Précision : les gènes ciblés dans ces études (résistance à un herbicide, phénotype albinos, floraison précoce) sont choisis pour leur phénotype facilement identifiable en laboratoire. Ils ne représentent pas pour l’équipe ResPom des cibles de développement agronomique sur le terrain pour ces espèces.

Edition_gene_FR

Publications associées:

Charrier A, Vergne E, Dousset N, Richer A, Petiteau A, Chevreau E. Efficient Targeted Mutagenesis in Apple and First Time Edition of Pear Using the CRISPR-Cas9 System. Front Plant Sci. 2019 Feb 6;10:40. doi: 10.3389/fpls.2019.00040. PMID: 30787936; PMCID: PMC6373458.

Malabarba J, Chevreau E, Dousset N, Veillet F, Moizan J, Vergne E. New Strategies to Overcome Present CRISPR/Cas9 Limitations in Apple and Pear: Efficient Dechimerization and Base Editing. Int J Mol Sci. 2020 Dec 30;22(1):319. doi: 10.3390/ijms22010319. PMID: 33396822; PMCID: PMC7795782.