Reconstitution et vérification des généalogies

Reconstitution et vérification des généalogies

La connaissance des relations d'apparentement entre les variétés permet à la fois d'apporter des informations sur l'histoire de la sélection au cours des siècles passés et d'estimer des paramètres génétiques tels qu'héritabilités et corrélations génétiques entre caractères d'intérêt dans le cadre des programmes d'amélioration modernes.

Chez le pommier comme chez le poirier, les variétés peuvent être maintenues pendant des siècles dans des vergers ou des conservatoires grâce au greffage. Certaines d'entre elles sont supposées dater du Moyen Age ou même de l'Antiquité romaine.

Grâce aux collections de ressources génétiques de pommier conservées à l’IRHS et dans différents conservatoires européens, nous avons pu reconstituer les relations d’apparentement entre des variétés anciennes et révéler des relations qui n'étaient pas connues précédemment. Dans un premier temps, des relations de parentés directes (parent-enfant) impliquant plus de 800 variétés ont été identifiées à l'aide de données de marquage moléculaire dense (empreintes génétiques formées par plus de 250000 marqueurs de type SNP (= polymorphisme de bases nucléotidiques de l'ADN)  balayant l'ensemble du génome) obtenues sur plus de 1400 variétés anciennes ou locales de pommier (majoritairement européennes) (Fig1). Les parents de variétés emblématiques telles que ‘Calville Blanc d’Hiver’ (France), ‘Transparente de Croncels’ (France), 'Ribston Pippin' (Grande-Bretagne) ou encore 'White Transparent' (Pays Baltes) ont été déterminés (Fig2). L'arbre généalogique reconstitué couvrait alors sept générations. Il mettait en lumière la contribution très importante et inattendue de deux variétés normande et anglaise datant de la Renaissance, 'Reinette Franche' et 'Margil', ainsi que celle de la variété russe 'Alexander' datant du XVIIIème siècle. Ces résultats coïncident avec les écrits de l’éminent pomologiste angevin André Leroy qui indiquait déjà en 1873 que la Reinette Franche était « la doyenne d’un groupe considérable de pommiers et lui [avait légué] son nom » (c.à.d. la plupart des ‘Reinettes’). Les variétés plus anciennes, du Moyen-Age ou de l'Antiquité, ne présentaient que peu ou pas de descendants directs dans l'échantillon étudié. Mais l’ensemble des résultats obtenus illustre remarquablement l'histoire de la sélection empirique ancienne et plus récente du pommier.

Dans un second temps, nous participons à une analyse plus large, impliquant des variétés conservées dans d'autres collections (Nord-Est de l’Europe, USA, …), afin d'identifier d'autres relations de parentés et d'étendre ainsi le grand arbre généalogique reconstruit. Tout d'abord, nous avons montré la compatibilité des données de marquage moléculaire obtenues avec deux puces de génotypage SNP différentes, ce qui permet de poursuivre le travail de reconstruction des apparentements à moindre coût. Ensuite, une méthode d'utilisation des données de marquage moléculaire en tenant compte de la localisation génétique des marqueurs SNP a été élaborée pour identifier des apparentements entre générations plus éloignées que parent-enfant, sur la base du « partage d'haplotypes » (partage de longs fragments d’ADN hérités d’un ancêtre commun plus éloigné). D'autres développements méthodologiques en cours d'élaboration, par exemple l'utilisation des informations contenues dans les variétés triploïdes, permettront d'étendre encore l'analyse (recherche des parents diploïdes des variétés triploïdes, qui sont nombreuses chez le pommier et le poirier). L'arbre généalogique obtenu ouvre d’ores et déjà des pistes pour suivre les allèles des gènes contrôlant les caractères d’intérêt et ainsi accélérer la création de nouvelles variétés à l'aide des marqueurs moléculaires.

Fig1 : Exemple de densité des relations d’apparentement entre variétés (majoritairement) européennes. Chaque rond représente une variété ; chaque trait représente une relation d’apparentement directe ‘parent-enfant’. La variété ‘Reinette Franche’ est représentée par un rond rouge, la variété anglaise ‘Cox’s Orange Pippin’ par un rond vert, les variétés russes ‘Alexander’ et ‘Borowitzy’ par des ronds violet et orange respectivement.

 

 

Fig1 : Exemple de densité des relations d’apparentement entre variétés (majoritairement) européennes. Chaque rond représente une variété ; chaque trait représente une relation d’apparentement directe ‘parent-enfant’. La variété ‘Reinette Franche’ est représentée par un rond rouge, la variété anglaise ‘Cox’s Orange Pippin’ par un rond vert, les variétés russes ‘Alexander’ et ‘Borowitzy’ par des ronds violet et orange respectivement.

 

Fig2 : Exemple de généalogies reconstituées grâce aux marqueurs moléculaires

 

 

 

 

 

Fig2 : Exemple de généalogies reconstituées grâce aux marqueurs moléculaires

 

 

 

 

Publications associées:

Muranty H., Denancé C., Feugey L., Crépin J.L., Barbier Y., Tartarini S., Ordidge M., Troggio M., Lateur M., Nybom H., Paprstein F., Laurens F., Durel C.E. (2020) Using whole-genome SNP data to reconstruct a large multi-generation pedigree in apple germplasm. BMC Plant Biology, doi: 10.1186/s12870-019-2171-6

N.P. Howard, M. Troggio, C.-E. Durel, H. Muranty, C. Denancé, L. Bianco, J. Tillman, E. van de Weg (2021) Integration of Infinium and Axiom SNP array data in the outcrossing species Malus × domestica and causes for seemingly incompatible calls. BMC Genomics 22:246. doi: 10.1186/s12864-021-07565-7

C.-E. Durel, H. Muranty, C. Denancé 2020 La généalogie des variétés de pommes (enfin) décryptée. Jardins de France n°659, 61-63 https://www.jardinsdefrance.org/la-genealogie-des-varietes-de-pommes-enfin-decrypee/